Les boutons personnalisés sur les polos, on ne va pas les faire !

L'industrie textile est très loin d'être vertueuse. Il en va de notre responsabilité de faire bouger les lignes pour que les choses changent en bien et pour de bon. Chez Commune Golf, on ne se pose pas en premiers de la classe ni en donneurs de leçons. Mais on tente de mener chaque bataille à notre niveau, et de faire mieux étape par étape. Ce billet vous donne un aperçu du type de choix que nous opérons lorsqu'il s'agit de confection textile. Au menu : les boutons (non) personnalisés.

La promesse d'une bonne affaire...

"250 euros pour 11'000 boutons custom. C'est pas cher les gars, allez-y à fond comme ça on peut lancer la production des polos rapidement".

C'est ce que notre atelier nous a proposé par le biais d'un de ses sous-traitants. On finalisait nos protos de polos. Et comme on est hyper pointilleux sur la qualité, les détails et les finitions, on s'est dit qu'on voulait aller au bout du truc avec des boutons personnalisés. Vous savez, le genre de petit bouton de col avec la marque inscrite dessus, soit sur la tranche, soit sur la face du bouton. Le détail pour connaisseur qui donne la touche finale au polo. Le petit truc en plus histoire de pousser le délire jusqu'au bout(on) ! A première vue, ça semblait pas cher. Vraiment pas cher même !

Ceux qui nous ont fait cette proposition sont des cadors du secteur. Ils sont aux manettes d'un atelier de confection au Portugal qui bosse de manière hyper quali et qui a la réputation de faire les choses très bien. Beaucoup de marques plus ou moins grosses et réputées leur font confiance, avec des exigences hyper élevées. 

 

Le calcul a vite été fait.

Pas besoin d'être polytechnicien pour se rendre compte qu'un truc clochait. Pour notre première collection, 4 modèles de polo sont prévus avec des boutons :

  • 2 modèles avec 2 boutons : notre polo "Panos" en éponge de coton bio, décliné en vert et en écru
  • 2 modèles ont un col 3 boutons : la version blanche et la version beige de notre polo "classique" avec une hirondelle brodée

Commune golf est un jeune label, nous nous lançons, et même si notre campagne de pré-ventes a été un succès, nous produisons en quantités minimes. Chaque polo ne sera produit qu'à 100 exemplaires maximum.

1'000. C'est le nombre de boutons qu'il nous fallait.

10'000. C'est le nombre de boutons qui allaient être produits pour rien et nous rester sur les bras. Fausse bonne idée.

Même l'argument du coût bas du fournisseur ne tenait plus : en plus de sur-produire de manière totalement inutile, le coût unitaire d'un bouton utilisé passait de 2,3 à 25 centimes pièce. Fausse bonne idée, bis ! Comme quoi l'adage est vérifié : ce qui est bon marché finit toujours par coûter trop cher...

 

On a dit non. Et ça nous va très bien.

Nous retrouver avec des milliers de boutons en plastique non utilisés, juste pour avoir le nom de notre label dessus et satisfaire notre ego ? No way.

Comme quoi, même en collaborant avec des fournisseurs réputés, on se rend compte que les mentalités doivent encore évoluer.

La mode et le textile font partie des industries ayant le pire impact environnemental. Sur-production, usage intensif de produits chimiques, milliers de kilomètres parcourus en avion ou par cargo, containers égarés en mer, décharges à ciel ouvert, etc. Sans compter l'impact social pour les travailleurs et travailleuses, parfois mineurs, à qui on impose des cadences de fou dans des conditions inhumaines. La fast fashion symbolise toutes ces dérives. Nous voulons nous inscrire à l'opposé de ces pratiques inacceptables.

Récemment, c'est Orelsan qui a formulé le constant le plus limpide et le plus tranchant sur les réalités de la fast fashion. Dans "Baise le monde" (album "Civilisation" - novembre 2021), il dit les choses clairement : 

"C’est quoi ce survêt’ ? Il sort d’où c’survêt’ ?
Un Indien payé deux euros par jour plante une graine
Qu’il arrose de produit chimique cancérigène
Après 6 mois et beaucoup d’eau, genre 8 000 litres
Ça donne 1 kilo de coton qu’il expédie en Chine
Où c’est trié, lavé, tiré pour faire du fil
Dans une usine chinoise qui frôle l’esclavagisme
Le fil part en Turquie, il est tissé par des femmes
Horizontal, vertical, ça s’appelle du chaîne et trame
Direction la Roumanie yeah, où des meufs se tuent pour fabriquer nos habits, yeah
200 kilomètres jusqu’à la sérigraphie yeah, pour mettre le logo d’un designer méga riche, yeah
Qu’écoutent des mecs qu’ont payé une grande école
Qui réfléchissent à comment vendre cette merde à tes gosses
Comme ils n’ont pas d’idée il paye une star des millions
Pour mettre une affiche en boutique avec son p’tit nom
J’arrive dans la boutique en fin d’aprèm’ et je vois ce putain de survêt’, il est soldé
Je vais pouvoir flex à pas cher et putain y’a un mec dans la soirée qu’à le même, ça valait pas la peine."

Le MC normand tape dans le mille... Et vous l'aurez compris, c'est à l'extrême inverse de ce qu'il décrit que nous voulons nous positionner.

Des convictions et une démarche d'amélioration continue

Chez Commune Golf, on n'a pas la prétention d'être irréprochable. On est même parfaitement conscient qu'il nous reste encore beaucoup de chantiers à mener et beaucoup de chemin à parcourir sur les sujets de responsabilité sociale et environnementale.

Pour autant, il y a certains compromis que nous n'acceptons pas. A notre échelle, nous faisons au mieux et en ayant toujours en tête une démarche d'amélioration continue. Cela se traduit par ce genre de décision : refuser la sur-production, même présentée comme une bonne affaire. Tant pis pour le bouton custom qui aurait été du plus bel effet sur le col de nos polos : l'important est ailleurs, et c'est cet ailleurs que nous vous proposons !